Comment (re)lancer sa vie de prière
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Pas de vie chrétienne féconde sans prière. Et pourtant, comme il est difficile de prendre avec détermination et fidélité le chemin de la prière ! Pour nous y aider, l'abbé G de Tanouarn répond à 3 questions :
Webmestre : Tous les chrétiens veulent prier. Ils en ont le désir sincère. Mais peu, finalement, parviennent à être fidèles au quotidien. Que leur conseiller ?
GDT : Il y a toujours au commencement de notre foi adulte une expérience personnelle de la douceur de Dieu. Il importe avant tout de s’en souvenir, pour traverser les périodes de sécheresse spirituelle avec cette impression de la présence de Dieu, qui, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes apparaît toujours comme le contraire de l’autosuggestion. C’est un fait de notre passé proche ou lointain, que nous n’avons même pas cherché, qui nous est tombé dessus sans prévenir et qui a marqué le commencement de notre quête personnelle – le début de notre envie de Dieu. Il faut toujours y revenir.
Outre ces grâces de douceur, qui peuvent avoir été éprouvées soit dans la solitude soit dans une prière collective, en particulier la sainte Messe, nous avons reçu des grâces de lumière, de compréhension, d’intelligence. Quoi qu’il arrive, il faut que notre art de vivre s’inspire de ce que nous avons compris auprès de Dieu. Sinon, à force de ne pas vivre comme on pense, on finira toujours par penser comme on vit. C’est la spirale si facile de la décroyance (qui n’est pas l’incroyance mais une sorte de tiédeur de plus en plus froide).
Quant à la fidélité que vous évoquez, il faut avant tout ne pas se décourager de nos menues infidélités et parfois de nos chutes. « Le juste pèche sept fois par jour » dit l’Ecriture.
Il faut seulement faire servir à notre progrès jusqu’à nos manquements et nos incapacités. Transformer les obstacles en moyens, c’est un grand secret de la vie spirituelle. Humilité d’abord, car nous n’avançons vers Dieu qu’à pas d’humilité. Saint Paul résumait ce premier acquis dans une formule : « La force de Dieu triomphe dans ma faiblesse » (II Co, 11). Intelligence des situations aussi et discernement : « Même un mauvais âne ne se fait prendre qu’une fois ». Ca n’est pas du saint Paul, mais c’est la vieille sagesse des nations.
Webmestre : Prier n'est-ce pas simplement s'exposer à l'amour de Dieu ?
GDT : Lorsque Dieu a mis sa marque en nous, lorsque nous nous sommes habitués à le retrouver, il suffit sans doute de s’exposer au Soleil de justice pour en ressentir la chaleur et en recevoir l’invitation. Parfois juste fermer les yeux, à n’importe quel moment. C’est de cette manière que nous pouvons arriver, quoi que nous fassions par ailleurs à nous mettre en état de prière. Il y a là une extraordinaire source de force. Car lorsque l’on s’est exposé à l’amour de Dieu, ce n’est pas juste pour bronzer ou se faire beau spirituellement. Pas de cabines d’UV dans la vie spirituelle ! Les rayons de la puissance divine transforment notre cœur et nous donnent un élan que nous ne trouverions pas en nous, pour accomplir ce que nous avons à faire et pour découvrir ce que, raisonnablement, nous pouvons faire « en plus ».
Webmestre : Proposer une méthode, une technique de prière, n’est-ce pas contre nature ?
GDT : Je ne crois pas. Depuis saint Ignace et les grands jésuites de Pierre Favre au pape François qui ont arpenté l’univers pour annoncer le Christ, on sait que les méthodes peuvent être utiles. C’est tout l’intérêt des Exercices spirituels dudit saint Ignace que de nous offrir plusieurs méthodes de méditation ou de contemplation. En revanche il ne faut pas que la méthode devienne une fin en soi. Saint Ignace le disait : lorsque tu as trouvé quelque chose qui touche ton cœur, arrête la méthode et laisse toi au Christ.
Pascal parlait de « plier la machine ». Première méthode : faire attention à son attitude corporelle, ne pas hésiter par exemple à se mettre à genoux, ou, dans la solitude et sans voyeurisme, à s’allonger, le visage contre terre. Il faut aussi se connaître soi-même et ne pas se croire rendu à la Septième demeure de sainte Thérèse d’Avila parce que l’on a pu éprouver les consolations de Dieu.
Un débutant (on peut rester débutant très longtemps : j’en suis un) ne doit pas hésiter à pratiquer la méditation, qui est le premier pas vers la contemplation : « Demandez en lisant et vous obtiendrez en contemplant » écrivait saint Jean de la Croix en ce sens dans ses Avis et Maximes. Apprenez à lire avec attention. Sachez découvrir le sens maximal, le sens divin d’une expression ou d’un récit, que ce soit dans l’Evangile, dans la Bible ou dans n’importe quel écrit de saint.
Par ailleurs, vous employez le mot méthode et le mot technique comme s’ils étaient synonymes. Je crois qu’il existe des méthodes d’oraison. Hodos en grec, c’est la route, le chemin. Nous avons chacun à bien identifier notre voie spirituelle, pour ne pas mériter cette parole de saint Augustin : « Ils courent bien, mais ils courent en dehors du chemin ».
En revanche, vous avez raison de dire qu’une technique spirituelle serait carrément contre-nature. Qu’est-ce qu’une technique ? C’est un procédé qui permet d’arriver plus vite à un résultat matériel que l’on s’est fixé. Mais, dans le cas de la prière, il n’y a pas de résultat que l’on puisse se fixer. On vit au bon plaisir de Dieu. C’est lui qui nous attire et nous repousse aussi parfois. Tous les mantras du monde n’y peuvent rien !
La seule chose qui se rapprocherait de la technique spirituelle, c’est la prière vocale en général, le chapelet par exemple. Mais l’on ne cherche pas un résultat particulier que l’on s’assignerait d’atteindre. Cela dit, essayer de comprendre le sens des mots que l’on prononce dans le Notre Père ou dans le Je vous salue Marie, cela peut être une très bonne méthode de progrès spirituel. Comme la méditation des mystères du Rosaire, avec chacun son fruit particulier.
Attention, cependant : la prière vocale, souvent collective, n’est qu’une introduction à la prière intérieure, qui est toujours personnelle. Il y a quatre actes de prière : la louange (qui nous permet de voir le monde sous son aspect divin et peut devenir l’adoration, dans laquelle nous réalisons que nous sommes néant devant Dieu), le remerciement (je n’insiste pas sur la nécessité de remercier Dieu notre Créateur), la demande (qui suppose que l’on ait pris conscience de ce qui nous manque devant Dieu) et l’offrande de soi (et de tout ce que nous rencontrons, bonheurs et malheurs).