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Comment assister à la messe ?

La messe traditionnelle est un peu comme une noix : rebutante de l’extérieur, par l’emploi de la langue latine, qui représente de facto une séparation apparente, elle peut apparaître au simple curieux comme un monde clos et qui le restera. Mais il suffit de briser cette coquille, d’entrer par effraction volontaire dans ce monde et l’on découvre, à travers ce rite, une puissance spirituelle incomparable.

Pour cela, il faut adhérer à chaque phase de l’action liturgique, il faut « suivre la messe », la suivre, j’allais dire pas à pas, en s’identifiant à l’action liturgique dans ses diverses phases. Il faut aussi se centrer, ou plutôt accepter de se décentrer : pour le temps de l’action sacrée, notre centre, c’est « l’autel de Dieu », comme dit le psaume 42. Nous mettons entre parenthèses les sautes d’humeur de notre cœur. Nous mettons notre cœur sur l’autel de Dieu. On peut pour cela réciter intérieurement, avant la messe, la courte prière de saint Nicolas de Flüe, un laïc, père de la Suisse actuelle : « Mon Dieu, prenez-moi à moi et donnez-moi à vous ». Le sacrifice de la messe, c’est d’abord concrètement le sacrifice de soi.

Le prêtre commence « au bas de l’autel ». Il n’y monte pas immédiatement. Ceux qui assistent à la messe font le même effort de préparation. Cette préparation repose sur la prise de conscience du contraste existentiel sur lequel est fondée notre foi.

Il y a d’une part la scène intérieure : Quare tristis es anima mea. Pourquoi es-tu triste et en tumulte à l’intérieur de moi, ô mon âme ? Et il y a d’autre part le paysage extérieur, l’horizon de mon destin, ce Dieu vers lequel je m’avance qui est « réjouissance de mon allégresse » ou comme dit la Vulgate « la joie de ma jeunesse » toujours persistante en Lui.

Avant de monter à l’autel, le prêtre demande pardon à Dieu personnellement pour tous ses péchés et l’assemblée l’imite dans cette démarche à la première personne du singulier : Je confesse à Dieu. Demander sérieusement à Dieu son pardon, c’est l’obtenir.

Le chant d’entrée ou introït, différent chaque jour, donne, en latin, la tonalité spirituelle de la liturgie

du jour : comment est notre prière.

Le Kyrie reprend officiellement la demande de pardon sur tout le peuple, les présents

et les absents : Seigneur, ayez pitié.Le Gloria élève immédiatement nos esprits vers le Christ, que nous tutoyons plusieurs fois, avant de lui donner son nom : Jesu Christe, en nous immergeant, par notre louange, dans sa gloire.

« Le Seigneur est avec vous » : Dominus vobiscum. Ce n’est pas un souhait. À la messe c’est un fait. L’oraison qui suit reprend et synthétise une première fois la prière de tous.

L’épître (tirée le plus souvent du Nouveau Testament) et l’Évangile contiennent l’enseignement que Dieu nous donne. Il diffère selon le moment de l’année liturgique (Noël, Pâques, etc.) ou selon le genre de saint que l’on fête. Dans la liturgie traditionnelle, les lectures sont le plus souvent concises. L’enseignement divin n’est pas dans la quantité des mots mais dans leur sens pour nous. Le prêtre peut tirer quelques leçons de cet enseignement : c’est ce que l’on appelle l’homélie ou le sermon, qui a pour but de faire comprendre les textes lus.

L’Offertoire est la représentation à Dieu du sacrifice que nous faisons de nous-mêmes. Chacun le récite à la première personne du singulier « Recevez Père saint le sacrifice que moi, votre indigne serviteur, je vous offre à vous Dieu vivant et vrai ». Au début, il est bon de se reporter à un missel pour cela. Puis on apprend les sentiments du cœur qui marquent ce moment si particulier. L’hostie non encore consacrée est offerte à Dieu. Elle symbolise chacune de nos vies, non seulement notre travail mais toutes nos tribulations et toutes nos joies. Ce premier sacrifice est le sacrifice de l’homme (« mon sacrifice qui est aussi le vôtre » dit le prêtre à l’Assemblée : meum ac vestrum sacrificium), qui le rend digne de célébrer, durant la consécration, le sacrifice de Dieu.

On remarquera la prière que le prêtre récite au moment de verser dans le calice qui contient le vin, une petite goutte d’eau qui nous représente tous, nous les hommes dans le vin de Dieu, dans l’Infini divin : « O Dieu qui avez créé la dignité de la nature humaine de façon merveilleuse et qui l’avez rachetée sur la Croix de manière encore plus merveilleuse, donnez-nous par le mystère de cette eau et de ce vin, d’être transformés dans la divinité de celui qui a daigné participer à notre humanité ». Toute la destinée humaine est ici à la fois résumée et montrée (par le mélange de l’eau et du vin).

Puis vient la Préface du sacrifice divin ; le prêtre s’assure d’abord des sentiments de l’Assemblée : « Haut les cœurs ! – Nous les avons vers le Seigneur ». Ce n’est pas un souhait ou un vœu encore une fois, c’est un fait, accompli par tout ce qui précède. Puis le prêtre loue Dieu dans son Mystère, et nous avec lui et en lui, de manière différente selon les temps liturgiques : il y a une préface de l’Avent, une préface de Noël, une préface du Carême, etc. Les préfaces, très lyriques, sont souvent d’origine gallicanes.

Enfin nous entrons dans le sacrifice de Dieu.

Et nous y entrons… non pas nous-mêmes en nous imposant grossièrement dans cet acte sublime, mais en y faisant entrer d’abord tous ceux que nous aimons en Dieu, en priant pour l’Église autant que pour nos proches. Le Canon est d’abord une prière universelle, la véritable prière universelle. Nous nous hasardons à parler de nous, à prier pour nous-mêmes (« Disposez nos jours dans votre paix ») au moment où nous montrons l’Oblation : « Hanc igitur… » Voici donc cette Offrande.

À ce moment solennel, le silence liturgique est rompu, soit par un premier coup de cloche, soit, s’il n’y a pas de servants, par le prêtre lui-même qui profère à voix intelligible ces deux mots :

« Hanc igitur… ». Cette fois le Ciel s’ouvre.

Le prêtre n’est plus que l’instrument et le continuateur de Jésus-Christ. C’est lui qui parle, mais c’est Jésus qui vient, c’est Jésus qui est là au milieu de nous : CECI EST MON CORPS. CECI EST LE CALICE DE MON SANG. Mots terribles que nous nous hasardons à répéter après lui parce qu’il nous l’a demandé lui-même : « Vous ferez cela en mémoire de moi » a-t-il dit aux apôtres.

Toute la messe n’a de sens que pour cet instant, la Consécration, dans lequel le sacrifice du Christ, sur la Croix, se trouve transporté en un point quelconque du temps et de l’espace, et ce jusqu’à la fin du monde. Ce jaillissement d’amour, dont Dieu seul a l’initiative, est pour une alliance qui est toujours nouvelle et valable indéfiniment parce qu’elle a Dieu pour auteur et que Dieu ne revient jamais sur les offres qu’il nous a faites. Dans son éternité, c’est toujours maintenant qu’Il se donne à nous. À chaque messe, nous devenons les contemporains de son Sacrifice, c’est-à-dire de son offrande d’amour.

Son sang a coulé une fois pour toutes sur la Croix, du cœur ouvert de Jésus-Christ. Il nous a montré que, comme il l’a dit à sainte Angèle de Foligno : « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée ». Assistant à la messe, nous devenons les témoins de la gravité de cet Amour. Si nous l’acceptons, nous sommes ses envoyés (c’est l’étymologie de messe : missa, l’envoi).

Les prières qui suivent sont les plus anciennes, elles remonteraient aux deux premiers siècles, elles tentent de définir le Mystère qui vient d’avoir lieu, de le mettre en mots. Il est bon de lire son missel pour s’en pénétrer. Il y est question d’un Sacrifice éternel « sur l’autel céleste », sacrifice que décrit le Voyant de Pathmos, saint Jean, dans l’Apocalypse (Jean 1, 29, Apoc. 5, 6 et 13, 8). Cette méditation nous amène à comprendre que nous sommes tous incorporés dans le Christ mort et ressuscité et que notre vie prend consistance « par lui, avec lui et en lui ».

À ce moment, après cette évocation de notre plénitude dans le Christ, le prêtre élève légèrement le calice et l’hostie, la cloche sonne encore une fois… C’est la fin du Canon.

Comment sortir de la Nuée où l’on vient de rencontrer Dieu obscurément ? En répétant les paroles que le Christ lui-même nous a apprises.

C’est le sens de la récitation du Notre Père après la consécration. La dernière parole « Libère nous du Mal (ou du Malin) », prononcée en latin par les fidèles, est particulièrement mise en valeur. Ce n’est pas parce que le Ciel s’est ouvert quelques secondes que le mal n’existe plus ! Mais ce fugitif aperçu de la Splendeur du bien nous suffit pour nous établir dans la paix de Dieu. La liturgie insiste beaucoup sur cette paix qui est le premier fruit de la sainte Messe. Parce qu’à la messe nous témoignons du Sacrifice du Christ et du salut qu’il donne aux hommes de bonne volonté, nous sommes en paix quelles que soit la violence des tentations et des batailles du quotidien.

C’est cette paix qui nous permet de nous approcher pour communier. « Celui qui mange ma chair possède la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour ». Ce moment fugitif résume toute notre destinée : nous sommes faits pour une communion éternelle que nous expérimentons juste un instant.

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